La force des choses

Fülszöveg

SIMONE DE BEAUVOIR La Force des choses
Avant de me décider a reprendre cette autobiographie, j'ai de nouveau hésité. Au-dehors comme en moi-meme, les objections ne m'ont pas manqué : « C'est trop tôt, vous n'avez pas derriere vous une ouvre assez riche. » Ou bien : « Attendez de pouvoir dire tout : des lacunes, des silences, ça dénatiu-e la vérité. » Et aussi : « Vous manquez de recul. » Et encore : « Finalement vous vous livrez davantage dans vos romans. » Rien de tout cela n'est faux. Mais je n'ai pas le choix. L'indifiFérence, sereine ou désolée de la décrépitude ne me permettrait plus de saisir ce que je souhaite capter : ce moment ou, a l'orée d'un passé encore brviant, le déclin commence. Peut-etre est-il trop tôt ; mais demain il sera surement trop tard.
« Votre histoire, on la connaît, m'a-t-on dit aussi, car, a partir de 1944, elle est devenue publique. » Mais cette publicité meme n'a été qu'une dimension de ma vie privée et, puisqu'un de mes desseins est de dissiper... Tovább

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SIMONE DE BEAUVOIR La Force des choses
Avant de me décider a reprendre cette autobiographie, j'ai de nouveau hésité. Au-dehors comme en moi-meme, les objections ne m'ont pas manqué : « C'est trop tôt, vous n'avez pas derriere vous une ouvre assez riche. » Ou bien : « Attendez de pouvoir dire tout : des lacunes, des silences, ça dénatiu-e la vérité. » Et aussi : « Vous manquez de recul. » Et encore : « Finalement vous vous livrez davantage dans vos romans. » Rien de tout cela n'est faux. Mais je n'ai pas le choix. L'indifiFérence, sereine ou désolée de la décrépitude ne me permettrait plus de saisir ce que je souhaite capter : ce moment ou, a l'orée d'un passé encore brviant, le déclin commence. Peut-etre est-il trop tôt ; mais demain il sera surement trop tard.
« Votre histoire, on la connaît, m'a-t-on dit aussi, car, a partir de 1944, elle est devenue publique. » Mais cette publicité meme n'a été qu'une dimension de ma vie privée et, puisqu'un de mes desseins est de dissiper des malentendus, il me semble utile de raconter celle-ci en vérité. Ce livre se recoupe avec certaines autres de mes ouvres et je sais qu'il s'en trouve déséquilibré : tant pis. De toute façon je ne prétends pas qu'il soit une ouvre d'art : ce mot me fait penser a une statue qui s'ennuie dans le jardin d'une villa ; c'est un mot de collectionneur, un mot de consommateur et non de créateur. Pas une ouvre d'art mais ma vie dans ses élans, ses détresses, ses soubresauts, ma vie qui essaie de se dire et non de servir de prétexte a des élégances.
Je me suis efforcée a l'impartialité. Un communiste, un gaulliste raconteraient autremep.t ces années ; et aussi un manouvre, un paysan, un colonel, un musicien. Mais mes opinions, convictions, perspectives, intérets, engagements sont déclarés : ils font partie du témoignage que je porte a partir d'eux. Je suis objective, bien entendu, dans la mesure oii mon objectivité m'enveloppe.
Comme le précédent, ce livre demande au lecteur sa , collaboration : je présente, en ordre, chaque moment de ; mon évolution et il faut avoir la patience de ne pas arreter i les comptes avant la fin.
^ s. b, Vissza